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16 juin 2012

Braconnier

                                                             Braconnier

                Mon grand père était braconnier. On m’a raconté qu’il montait au printemps à sa vigne, la dernière avant la colline, accompagné de sa chienne, une sorte de lévrier qui prenait les lapins à la course. De l’aube au coup de midi, pendant qu’il labourait les ceps, elle lui en rapportait six ou sept. Mon cousin des Corbières braconnait aussi. Il piégeait les bêtes à fourrure et chassait le sanglier en toute saison. Il m’a appris comment poser des nasses pour vider quelques trous de leurs truites.

               Atavisme. Devenu citadin je n’ai conservé de cet héritage de  larrons innocents que la tentation, dans ma jeunesse, de braconner à la main sous les jupes des filles ou de  glisser en douce quelques doigts dans la fente de leur chemise. Sans préalable le jeu est risqué : on peut aussi bien réussir à éveiller le rire ou la curiosité que prendre une gifle. Baisers volés ou râteau, c’est selon. Après l’adolescence il m’a bien fallu substituer la négociation sur un pied d’égalité respectueuse au braconnage. Aujourd’hui si vous vous loupez, un geste déplacé vaut la correctionnelle. Avant personne ne nous enseignait les bonnes manières. Qu’elles me pardonnent si j’ai mis longtemps à les apprendre seul.

Ces choses là peuvent mal finir. Un peu comme le Raboliot de Genevoix fut conduit à la déchéance par l’acharnement de la maréchaussée. Il y a des plates bandes sur lesquelles on vous fait toute une affaire de marcher et les propriétaires sont de moins en moins partageurs. J’en connais pourtant qui utilisent l’imposture et la supercherie comme un art de vivre en toute impunité. Il paraît que c’est plus légal que le braconnage.

On voit par exemple des médicastres prêcher depuis des lustres la liberté de tarifer tout en exigeant mordicus de prendre leur part des fonds des pauvres auxquels ils refusent leur obole. On voit leurs semblables taxer les plus démunis de profiteurs et leur faire la chasse. On voit de prétendus responsables politiques s’engager tantôt contre les juges, tantôt contre les représentants des professions, toujours contre le lien social et la solidarité au profit de la réussite individuelle érigée en loi universelle.

               On voit des religieux de tous ordres exiger, au delà de la libre expression que la République leur accorde, que tous, surtout les sans dieu et autres agnostiques, fassent place en public à leurs coutumes, respectent leurs pratiques extravagantes, leurs accoutrements, leurs modes culinaires et, tant pis si sans affinités, leur ordre social. Jusqu’au plus haut l’imposture, heureusement défaite à ce moment, a affiché arrogance, richesse, chantage et promesse pour accaparer les profits.

               La morale du charbonnier qui ne croît que ce qu’il voit, rejoint celle du braconnier : tous deux s'accordent avec l'espace dans lequel ils habitent et en respectent les gens.

Au secours Raboliot.                 

 

 

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Commentaires
A
Dialogue à l’arrivée avec mon boulanger corse : <br /> <br /> « Antoine, bonne chasse cette année ?<br /> <br /> - Pas trop mal, 5* avant** et 6* après** »<br /> <br /> <br /> <br /> * 5 plus 6 sangliers, bien sûr.<br /> <br /> ** avant et après l'ouverture, naturellement.
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  • Blog des mots. A partir d'une définition de mots simple, ce blog raconte l'actualité, effleure les sentiments, égratigne les gens et les hommes publics tout en s'efforçant de distraire. Gardons le sourire, les temps sont durs.
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