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2 février 2018

Platane

                                                                       Platane

                   On raconte que les platanes qui bordent le Canal du Midi sont malades. Quel dommage! Ces arbres majestueux ont survécu plus d'un siècle et demi en défiant les foudres du temps ou les attaques sournoises des parasites, et voici que ces géants sont menacés par une simple moisissure. C'est bien moderne. Une gigantesque plantation de 40 000 arbres disparaîtrait en quelques années à cause d'une inguérissable broutille. Rien ne va plus comme avant, les municipistes s'acharnent à détruire les magnifiques allées d'arbres qui conduisaient autrefois dans nos villages, les propriétaires de vieux manoirs charmants vendent leurs forêts aux lotisseurs, on craint le pire autour du canal.

                   Il est vrai, j'y consens, que ceux d'entre vous qui n'ont pas connu cette France de paille bordée de frondaisons, la France des champs et des prés fleuris, il n'y a pas si longtemps, moins d'un  demi siècle, n'ont pas lieu de s'émouvoir de la disparition des platanes. une génération remplace l'autre, le contemporain se fout des platanes, il a bien raison, les pères sont aussi oubliés que la terre qui les a vu naître. Dans le 93 on ne s'occupe pas de la verdure.

                    Pourtant l'ont-ils aimée cette terre les anciens et ils n'ont rien pu faire. Peu à peu des routes de toutes catégories ont cerné leurs maisons, trois voies, carrefours giratoires, déviations, trèfles et autoroutes, ponts et tunnels, grandes lignes, il fallait tout sacrifier à la circulation jusqu'à ce qu'on invente...la voiture immobile. L'asphyxie paralysa un jour une grande capitale européeenne avec un embouteillage si gigantesque que tout s'arrêta. De surcroît, entre les voies nouvelles la tendance n'est décidément pas favorable au fermage, la priorité revient à la construction de vastes centres commerciaux et autres zones industrielles qui poussent autour des lotissements.

                     J'ai connu un employé des Eaux et forêts qui s'opposait de tous ses moyens à l'addiction de son administration pour créer à tout va des sentiers anti incendie dans les bois. Il avait remarqué que lesdits sentiers finissaient toujours sous du goudron dont on prétextait pour autoriser des constructions, en douce, en catimini, au beau milieu de zones jusque là préservées. Je vous transmets son message, si un ingénieur des Ponts et Chaussées vous propose de tracer un sentier dans votre bois favori, méfiance! On en a tant vu de ces chemins qui finissent en pleine montagne sur un terrain de golf désert, interdit aux promeneurs et aux brebis. 

                      D'accord. Le platane n'est pas la panacée. A l'origine, je le reconnais, le canal du Midi était planté de toutes autres essences d'arbres, mais personne de vivant ne peut se vanter de les avoir vues, et pour cause, les platanes ont plus de cent ans. Certes ce n'est pas le plus bel arbre, ni le plus rare mais, si agréable il  atteint avec le temps des hauteurs impressionnantes, son feuillage touffu abrite le promeneur des pires ardeurs de l'été puis disparaît d'un coup à l'automne, pour le laisser profiter des dernières ardeurs du soleil.

                      Commun et commode, voilà le platane! Commode aux amoureux pour graver des serments sur sa pâle écorce tendre comme l'amour, cachette idéale des enfants en goguette. Commun tant il est décoratif qu'on en a planté partout, sur les places, dans les jardins et les parcs, les berges de nos ruisseaux, les cours des écoles et des collèges, parfois les terre-pleins au beau milieu des carrefours urbains. On s'est habitués, les platanes étaient là quand nous sommes nés et nous ont accompagnés sur la route de nos vies. Ils restent quand nous partons et poussent même quelques branches neuves pour saluer le fourgon qui nous emporte.

                       Et il faudrait les arracher comme on ferait table rase de notre histoire, comme on s'arracherait un peu de chair. Sans les platanes nous serions défigurés, un peu de notre passé disparaîtrait, comme si on jetait par dessus bord un pan de l'héritage que les générations nous ont légué.

C'est impossible. Sauvez les platanes du canal du Midi!

  

 

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