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22 novembre 2014

Acmé

                                                                         Acmé

                 Un sommet. Le terme est fort joli, néanmoins sans rapport avec la géographie. Aucun alpiniste ne se risquerait à dire sous peine de ridicule qu'il entreprend l'acmé du Mont Blanc. En découvrant ce mot on pencherait plutôt pour le registre de l'amour? Peut être. A l'origine c'est un terme de médecine qui définit le paroxysme d'une crise, malaise, épidémie, puis évènement social, par extension l'intensité d'un moment émotionnel ou artistique. Telle est l'acmé dont les grammairiens nous disent que son genre indiffère, au gré de l'utilisateur. Une telle liberté de la part d'une discipline aussi austère m'étonne. Une preuve de plus que le pire des rigoristes finit par afficher quelques faiblesses. 

                  Ah,  comme j'aimerais, je ne dois pas être le seul, connaître les petits défauts, les travers, les entorses aux bonnes moeurs des censeurs, donneurs de leçons, docteurs en bons usages qui font la une des gazettes, parlent haut sur les lucarnes de nos salons ou décident de tout ce pour quoi ils n'ont pas été élus dans les assemblées. Malgré ceux là, je suis prêt à parier ma chemise qu'il y a des personnes gaies à Versailles et qui veulent se marier, des religieux de toutes confessions et sexes dont la vie intime est bien plus compliquée que ce qu'ils veulent bien en avouer, des maires qui usent en secret dans la ville voisine des plaisirs qu'il refusent de voir au jour la nuit sur leurs chaussées, des suffragettes à moitié nues qu'un chiffon de soie fait frissonner de convoitise. Sous un récent régime tel serviteur de l'Etat fut pris main dans le sac, il n'y avait pas que le sac où il mettait la main, à monnayer les services d'une hétaïre des sous bois parisiens.Tout le haut de de la nation, fut ému qu'on osât appliquer à ce triste sire la sanction pénale qu'ils venaient de voter à l'usage du bas peuple. Après celà parlez lui de démocratie.                                            

                      Oubliant ces remarques je me prends à rêver d'innover. Après tout le sens des mots évolue avec le temps et leur usage. L'alpinisme est à la mode et j'aurais grand plaisir à introduire l'acmé dans les refuges de haute montagne. Ceux d'entre nous qui les ont fréquentés savent combien il était autrefois difficile d'y éprouver celle des plaisirs charnels. La promiscuité des dortoirs en usage au Club Alpin, les fatigues d'une longue route en altitude, la sévérité de l'extinction des feux et le branle-bas des randonneurs à la première lueur de l'aube, obligeaient au rapprochement fugitif ou à  des stratégies très complexes, je trouve d'ailleurs les deux options  pareillement excitantes puisqu'elles demandent à leurs auteurs des exploits aussi méritoires que l'escalade des plus hautes pentes. Les bat-flancs sont heureusement muets sur les caresses trop brèves d'amants de hasard pressés de soulager les tensions de l'altitude, les rochers indifférents à la hardiesse nocturne des couples qui bravent le froid et le règlement pour se chevaucher à leur ombre abritée des ronflements du reste de la troupe et du gardien qui n'a pas vu qu'on lui piquait la clé. Dans les refuges récemment bâtis ou rénovés on a remplacé les dortoirs  par des chambres de deux ou de quatre. Sous cet angle c'est un recul.

                      Si l'usage de l'acmé n'est pas toujours pas approprié à  l'escalade d'un point culminant géographique j'en viens quand même à le recommander aux randonneurs pour désigner le plaisir qu'ils ont à parvenir au terme de leur aventure, aux amants adultères pour exalter l'audace de leurs ébats dans des positions oubliées de la plupart des ouvrages érotiques, sans distinction aux fondus de la marche et du rocher pour lancer dans la vallée un cri qui témoigne de leur victoire sur la fatigue, la douleur, le risque d'accident et leur propre terreur au moment du départ. Tous auront ainsi contribué à renforcer le sens de ce mot qui le mérite autant que le moindre snobisme à la mode.

                      Lakmé est le titre homonyme d'un opéra exotique à la musique romantique et charmante. A moins, ma mémoire hésite, qu'il ne soit le prénom de son héroïne tout aussi exotique et merveilleuse. Que de sons destinés à l'amour renfermés dans ce vocable. Au point le plus intense des entreprises coloniales, des auteurs de talent ont ainsi utilisé les mystères des peuples lointains pour en exalter le charme du dépaysement, l'espoir de bonne fortune, la quête de l'infinie beauté. Si les conquérants n'ont pas été déçus ce fut le lot de leurs enfants ou des lecteurs de l'invitation au voyage. " Mon enfant ma soeur, Songe à la douceur..."

Dans  tous les cas l'amour toujours fléchit à son zénith.

                                          

 

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