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11 février 2012

Luciole

                                                              Luciole

             Un ami m’a raconté cette histoire. Enfant d’Auvergne j’ignorais tout, me dit-il, de cet insecte jusqu’au jour où ma vie professionnelle me conduisit à résider à Nice. Célibataire à la trentaine avancée une heureuse rencontre mit fin en cette ville à une longue période de solitude. Barbara avait rompu, de son côté, une vie conjugale agitée et regagné, après des pérégrinations étrangères, la villa que sa mère mettait à sa disposition sur les hauteurs du Mont Boron. Séduisante, souvent souriante, Barbara avait un visage allongé aux traits agréables, des yeux noisette pétillants de vie, de longues jambes élancées et une poitrine intéressante, bien qu’un peu forte pour prétendre rivaliser avec les mannequins faméliques à la mode. Son seul défaut était d’avoir de grands pieds, peu seyants bien qu’assez accordés à sa taille plus grande que la mienne.

             Elle était infirmière. Nous étions faits pour nous entendre. Un soir de mai, après le sport, elle m’invita à dîner dans sa villa située, comme je vous l’ai dit, sur les hauteurs entre Nice et Villefranche. Nous arrivâmes à la fraîche, juste au moment ou le soleil commence à sombrer au dessus des collines de l’Estérel. Bien avant le crépuscule nous eûmes tout le temps de préparer la table et de boire un apéritif aussi longuement savoureux que le désir qui sait attendre. Avec quelques autres villas privilégiées, la maison s’étageait sur la colline, entre les maquis et les bosquets de cistes ou de genévriers. La terrasse où nous nous trouvions dominait un large jardin en pente douce qui s’effaçait brusquement au dessus de la falaise qui surplombait la baie. A cette époque les collines de Nice étaient encore assez sauvages et les pelouses ineptes n’avaient pas remplacé la végétation buissonnière de la méditerranée.   

             La nuit tomba doucement pendant que de rares lampes s’allumaient, de ci de là, au milieu des arbres. En bas, près de cent cinquante mètres en dessous de nous, le soleil se mira encore quelques minutes dans la mer avant de disparaître en un spectacle grandiose sur le Cap Ferrat. C’est alors que, dans le coin le plus sombre des taillis, une petite lumière apparut qui voltigea de ci de là, bientôt rejointe par une autre, puis encore une autre, et enfin des centaines et des milliers au fur et à mesure que la nuit devenait noire. Barbara m’apprit que c’était des lucioles mâles qui cherchaient à attirer une compagne en clignotant à tout va et qu’elles disparaîtraient bientôt à l’apparition de la lueur de la lune. En attendant toute la colline se para d’une multitude de minuscules lampions, virevoltant tant est si bien que je crus, un moment ébloui, que j’avais remplacé Alice au Pays des Merveilles.

             Quand l’heure fut venue  je refusai de rentrer et demandai à Barbara la permission de tirer un matelas sur la terrasse. Ainsi nous fîmes l’amour, je fis l’amour, pour la première et la dernière fois de ma vie au milieu d’un nuage de lucioles. A ma visite suivante, une poignée de jours ou quelques semaines, ces insectes bénis de la colline, sans doute accouplés, ne brillaient déjà plus. Déçu, je quittai bientôt Barbara dont les grands pieds commençaient à m’incommoder, non sans regret d’abandonner ainsi tout espoir d’une nouvelle rencontre féérique avec les lucioles au printemps. Ce fut la seule.  

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