Pin maritime
Pin maritime
Il vivrait, paraît-il, sur le pourtour méditerranéen depuis très longtemps. Moi, je croyais qu'il venait d'ailleurs, qu'il avait supplanté le chêne dont les forêts ont disparu dans le midi. Mais il était déjà présent, une espèce endémique qui ne paye pas de mine, qui peut vivre cinq cents ans. On le trouve partout mais il n'est valorisé en quantité que dans les Landes.
Colbert aurait même encouragé la plantation du pinus pinaster, le pin comnun. Dans son projet de création d'une marine nationale l'essence de cet arbre remplaçait avantageusement les produits orientaux de calfatage chers et difficiles à acquérir. De quoi lutter avec la marine anglaise. Décidément ce Colbert, je n'aime pas plus que ça le personnage, avait l'oeil.
Un pin de plusieurs siècles. Je n'imaginais même pas que ça puisse exister jusqu'à ce que mon copain Fançois me prouve un jour le contraire. Il attira ma curiosité en me promettant monts et merveilles si je l'accompagnais dans l'escalade de la Lance. Pour ceux qui ne connaissent pas, la Lance est un contrefort isolé des Alpes au dessus de la plaine du Rhône. Autrefois l'expédition se faisait en deux jours, aujourd'hui quelques heures suffisent aux randonneurs pour franchir les six cents mètres de dénivelée.
Nous sommes partis de chez François, c'est le chemin le plus court. De là on gagne par un sentier escarpé des planches où il allait ramasser la lavande sauvage. Son père la récoltait pour la vendre, bien avant que les plants cultivés aient envahi les champs. Plus haut c'est le territoire du hêtre, les fayards et les bouleaux dominent le long d'un sentier de plus en plus étroit et abrupt. Enfin, après un dernier repos on arrive près du sommet dans le fameux bois de pins.
Il avait raison. Je ne sais pas par quel miracle ces pins ont poussé et survécu là. Peut-être l'abri d'une haute crête. Ces mastodontes d'arbres rampent sur la pente qu'ils frôlent parfois de leurs branches tourmentées. Les troncs noueux, épais, font penser aux vieux membres épuisés et tordus de vieillards qu'on aurait abandonnés là dans leur dernière demeure. Sous l'écorce éclatée on voyait l'os.
Franchir ce bois pentu requiert un bon équilibre. Les pousses tendres auxquelles s'accrocher sont rares. Ces arbres à eux seuls valaient la balade. Quelques souches rongées semblaient avoir près de mille ans, être nées avant que la croisade des Albigeois ne rattache la Provence à la France. François n'en avait cure, il avait rempli on contrat et se pressait d'arriver. Il marchait devant en pestant contre ma lenteur de citadin. Plus haut, près du sommet on tombait dans des prés à lièvre avant de voir la plaine.
Mais c'est une autre histoire.