Songe
Songe
Voilà qui a de l'allure, un mot noble en quelque sorte. On pense au théâtre, La vie est un songe, écrivit Calderon du haut de sa péninsule. Plus avant, Shakepeare enchanta le monde avec Le songe d'un nuit d'été. Un terme shakesperien quoi de mieux pour rêver la vie, la vie celée, intime, derrière les apparences. Il faut qu'on s'évade, c'est un peu comme la parure du cygne, noir ou blanc le songe promène ses histoires, au gré de chemins imprévus dont les courbes sans but dessinent un joli paysage sur les berges d'un lac.
Histoire ai-je dit. Ainsi va le songe, il n'a ni projet ni fin puisqu'il n'est pas réel. C'est tout ce qu'on se raconte pour imaginer l'avenir, embellir le présent, changer la couleur du passé. Grâce à lui on mène une double vie. Comme Perrette on rêve qu'on devient riche ou qu'un jour on atteindra son Amérique à soi, quitte, patatras, à tomber de haut, c'est qu'il ne faut pas grand chose pour faire un faux pas. Malgré tout, quoiqu'il arrive, n'oublions pas que dans notre maison nous sommes Rois et Reines. Rien ne nous empêche de parer notre destin de quelques plumes jolies, de quelque fragrance agréable, de prédire la réussite de nos projets les plus fous. Nul ne nous contredira.
Quant-à Perrette il faudrait écrire la suite de l'histoire. Si, y avez vous songé, en rentrant toute déconfite elle avait croisé un beau et fort jeune homme. Si, encore, ce jeune homme était un noble chevalier ou un prince en balade. Si, toujours, ce prince apitoyé par ses larmes l'avait enlevée pour la conduire en sa belle demeure, dans une chambre ou flambait un bon feu dans la grande cheminée. Je n'ose raconter la suite au cas où Perrette se serait laissée séduire par le désir ardent de la flamme. Attention Perrette ! Parfois les lendemains de rêve ne recueillent que des cendres.
La vie serait ainsi un invraisemblable conte. C'est dans une île de Grèce que Shakespeare avait situé une intrigue dont le chassé croisé amoureux n'en finit plus d'enchanter les amateurs de comédie. Gageons que si l'illustre auteur ne mit jamais les pieds dans les Cyclades il eut le génie de saisir la sensualité éternelle de ces lieux. Un cinéaste suédois, tout aussi féru d'histoires légères, lui rendit hommage en nous livrant les Sourires d'une nuit d'été, fable leste d'un rêve de ballet des plaisirs nocturnes qui finit par mettre tous ses personnages...au lit. Heureusement pas tous ensemble. Sacré Bergman, ils se rencontrent, se perdent, se séparent jusqu'à ce que l'amour les unisse.
Au septentrion, l'été norvégien est si bref qu'il favorise les calembredaines, il faut en profiter. C'est dans le même film qu'un prêtre émoustillé demande à dieu de le délier de son voeu de chasteté. Ciel!
Tout ce marivaudage se déroule "entre adultes consentants", sans heurts sinon quelques pleurs consolés. Sainte simplicité du sexe, bien éloignée de l'actualité. Venue d'Amérique, la description des moeurs barbares auxquelles se livrent des hommes de pouvoir depuis quelques décennies saisit le monde. Ils ont transformé le songe d'amour en cauchemar obscène. A juste titre les colonnes des gazettes se remplissent de la révolte de leurs proies contraintes ou abusées.
On disait autrefois chez nous : tout finit par des chansons! Après la révolution de la féminité, il est temps de rajeunir la maxime : un jour en France, tout finira par un songe! D'amour de préférence.