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12 juillet 2011

Coquelicot

                                                     COQUELICOT

 

                  Il pousse au printemps, sauvage, au bord des routes, dans nos fossés ou en lisière des champs de blé. Le coquelicot est rouge et ne sent rien. Et pourtant quelle fleur. Tenace, pour ressortir tous les ans dans des friches échappées des progrès du béton et les talus jonchés de détritus. Ponctuel, car toujours à l’heure des premiers rayons et des assauts amoureux des pigeons de toiture. Elégant, la corolle portée par la tige fine et haute impose le regard, mise en valeur par quelque feuille discrète.

 

                  Souvent associé au bleuet dont la couleur froide s’oppose agréablement à la sienne, le coquelicot accompagne les amours champêtres. En son temps de fin de guerre et de retour des moissons Mouloudji l’a chanté comme un meurtre sensuel qui tachait  une terre féconde et Colette s’inspira d’un pareil décor pour initier au sexe le blé en herbe de sa campagne solognote ; dans les années cinquante on y jetait sa gourme en même temps que sa culotte en coton dont le blanc immaculé se tachait de terre et d’humeurs odorantes qu’il fallait dissimuler le soir au retour au bercail. Même les archevêques ne s’y trompent pas qui arborent sa pourpre violentément  uniforme dans leurs réunions d’apparat, le coquelicot est un pavot : son usage, moindre que l’opium son cousin, peut quand  même endormir les enfants et détendre les ardeurs des plus grands. Voilà pourquoi on l’aime.

 

                  Ces considérations sont anciennes et leurs usages oubliés. Je sais que certains  les trouvent déplacées dans un blog des mots mais l’actualité se passe difficilement des symboles. Le coquelicot nous rappelle encore et toujours que l’affiche des fusillés du Mont Valérien était rouge, comme le sang de la butte dont les chansons ont célébré nos deux guerres. On chante encore ces valses tristes pour ceux qui s’en souviennent. Le rouge aux joues de la honte pourrait enfin monter au front des personnages publics qui abusent de notes de frais à charge de contribuables et ceux ci pourraient devenir rouges de colère. C’est arrivé sur l’autre bord de la Méditerranée, le transport de ces paroles citoyennes pourrait un jour atteindre notre rive de grands menteurs pour les chasser.

     

                  Je ne sais pas pourquoi le rouge accompagne la mort, le sexe, les sens et la  révolte populaire. Ce pavot pousse sauvage sur nos friches et nos chemins. Il meurt dès qu’on le coupe et disparaît pour un an à la fin des moissons. Vive le coquelicot libre !   

 

                     

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  • Blog des mots. A partir d'une définition de mots simple, ce blog raconte l'actualité, effleure les sentiments, égratigne les gens et les hommes publics tout en s'efforçant de distraire. Gardons le sourire, les temps sont durs.
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