Pétole
Pétole
Difficile de résister à la mode. Vous trouverez plus facilement ce mot dans la presse spécialisée sur la Voile que dans
La coquetterie des métiers à s’inventer des mots bien à eux, obscurs pour des non initiés, n’a pas de bornes. Pour une fois ils sont tombés juste : pétole est un nom féminin aussi expressif qu’il sonne joliment. Imaginons un peu les coureurs solitaires perdus dans le grand Sud depuis des heures ou même des jours sur une mer plate comme une planche. Ils s’ennuient et comme ils s’ennuient ils se parlent. « Je suis tombé dans la pétole », «vire de bord tu vas droit dans la pétole », « encore quinze milles et on sort de la pétole »…..Ils auraient pu dire la mouise ou pire ce à quoi vous pensez, mais non ! Ils ont choisi la pétole. Distingués ces marins. Et puis c’est un truc qu’on peut dire à la radio pour épater la galerie et faire pro auprès du sponsor qui regrette d’avoir mis son budget dans un rafiot aussi coûteux qu’immobile.
Car la pétole même si elle vous a fâché le sponsor on finit toujours par en sortir. Pas comme ce pauvre ministre Brice qui rame contre les flocons qui ont une fâcheuse tendance à stagner sur l’Ile de France alors même que l’hiver n’est pas commencé. On dirait que le ciel a obligé des milliers de gens à passer la nuit gelés dans leur voiture pendant que des groupes de préfets galonnés rendaient timidement des comptes de calme plat. La neige est comme la pétole, elle se pose et ne bouge plus en attendant un éventuel changement météo. On n’y peut rien. Le ministre l’a finalement compris et s’est pressé sur les ondes pour accuser….les météorologues.
Voilà comment notre pétole prend des accents péjoratifs. Déjà elle est féminine et on peut s’imaginer les machos s’en donner à cœur joie avec les consonances. Je suggère au Goncourt 2010, qui a bâti son succès sur des récits à répétition de scènes sexuelles ineptes animées par des héros névrosés, de l’adopter. La pétole aurait sa place entre la pétasse et la vérole et renouvellerait le vocabulaire stéréotypé de notre auteur à succès. Pour varier je suggère aussi aux curieux d’associer le côté indéniablement tonitruant de la première syllabe de pétole avec pétard, ce qui conviendra tout autant au premier des policiers chargé d’organiser la chasse aux fumeurs illicites qu’à l’écrivain patenté dont les héros s’éclatent à coups de paradis artificiels. Nous aurions ainsi les deux revers d’une médaille moderne. Face le visage de l’ange blond de la morale éternelle, pile la face noire de la dépravation néanmoins reçue avec les fastes dus à la célébrité dans le palais officiel.
Quelle époque ! Le pétase à larges bords des tartarins remplace sans avantage la couronne de lauriers que les Romains et les Grecs tressaient aux vainqueurs des jeux. Au spectacle de certaines pétaudières on regrette parfois de ne pas disposer de la pétoire adéquate qui, sans penser à mal, ferait exploser l’outre trop gonflée des prétentions. Finalement ces marins sont pleins d’astuce pour jouer avec les mots, d’appeler par exemple une simple corde un bout et, par un stratagème, substituer la poétique pétole à un vulgaire calme plat. Seuls les initiés s’y retrouvent quand les mots deviennent le refuge des sages.