Jean François
GALERIE C
Jean-François
On a dit de Malraux à sa naissance qu’il avait déjà l’allure d’un personnage officiel « à vie », c’est comme pour Jean-François, on se demande s’il n’est pas né avec son costume à rayures et ses chaussures vernies. Son ambition est si forte, si transparente, évidente, sudoripare, que je me demande pourquoi, à l’instar de Kennedy JFK, il ne se fait pas appeler JFC.
Il est vrai que JFC vous a un petit air d’abréviation de gaz pour lampe basse conso qui n’est pas du meilleur effet auprès du mal pensant. Et pourtant il pense bien Jean-François, il s’applique même à ne pas prononcer un mot plus haut que l’autre afin de ne heurter personne. Recueillir l’adhésion du plus grand nombre est à ce prix, il s’est tellement exercé à la transparente pensée unique qu’elle est devenue sa nature.
Des idées perso, originales, il n’en est pas question. Jean-François existe pour exprimer le point de vue de son groupe ou de ceux qui dirigent, qui tiennent le manche. Il le fait dans tous les cas avec talent et application. Un vrai plaisir de l’écouter : en cas de difficulté il n’aime que les verres à demi pleins et tant pis pour ceux qui restent dans le fossé. On voit qu’il n’a pas de temps à leur consacrer mais il parle comme un livre. Dans ce registre de l’énonciation de banalités successives les gens qui n’ont rien à dire sont vraiment les meilleurs, c’est sans doute pour ça qu’ils passent à la télé.
De fait il a un air de gendre idéal. Ni trop grand ni trop petit, le cheveu impeccable, avec la brillantine pas un poil qui dépasse. La barbe un peu trop sombre, la nature est tyrannique, est compensée par un sourire automatique, dents blanches haleine fraîche, qui ponctue le phrasé. Avec un tel sourire nul ne pourrait imaginer qu’il a parfois l’âme noire. D’ailleurs ce ne pourrait être le cas. Puisqu’il est là pour servir sa propre cause, les méchants, les tortueux, c’est forcément les autres ou ceux qui ont donné les ordres. Pas de chance, les yeux sont petits et cachent mal la lueur d’avidité qui soupèse le gain potentiel que représente toute rencontre. S’ils s’éteignent passez votre chemin, vous n’êtes personne.
En fait cet homme aspire au firmament et vous aimeriez le connaître davantage. Peine perdue, on ne le croise qu’un dossier à la main sortant d’un rendez vous pour s’engouffrer dans une voiture aux vitres teintées. C’est qu’il est très occupé par maintes fonctions officielles qui le contraignent à jongler entre les réunions et les décisions. Rassurez vous il garde le temps de pisser et gagne assez d’argent pour rémunérer les assistants qui agissent en son nom. Repos et bonne chère, voilà le secret de son teint frais et de son esprit sémillant. La République
Dans une discussion ou un débat vous pourrez apprendre au détour d’une phrase qu’il a une famille à qui tout réussit, que son autorité n’est jamais prise ne défaut, qu’il a beaucoup travaillé pendant ses études et qu’il est très attentif aux difficultés de ses administrés et aux misères de ses compatriotes. Ce peut être exact mais ne croyez qu’à demi : sa vérité est qu’il perfectionne son image et cherche à justifier les hautes destinées auxquelles il aspire. Il ne donnera rien contre rien et son air me fait penser à ceux qui, dans ma jeunesse, à l’office, glissaient un bouton de guêtre en lieu et place d’une pièce de cent sous à la quête des bonnes œuvres.
Comme eux, il se force à ne pas détourner la tête pendant que fuit son regard vers un coin sombre de l’édifice. Comme eux, il a choisi son moment, calculant son geste en espérant que nul ne le devine. Comme eux, il a bombé le torse toute honte bue et chanté en chœur de sa meilleure voix.
Comme eux sont devenus riches il finira comme il est né : arriviste arrivé.
JFC.
Incolore, inodore, et sans saveur.